En 1990, à l’aube de sa vingtaine, deux ans à peine après avoir intégré le tout jeune CRP Henri Tudor (crée en 1987 et devenu Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) depuis), Alain est contacté par ceux qui devinrent une décennie plus tard les deux premiers directeurs de la Fondation Restena : Antoine Barthel et Théo Duhautpas. Leur ambition : élaborer un premier projet de réseau national baptisé RESTENA (Réseau Téléinformatique de l’Éducation Nationale).
Alain rejoint donc l’aventure en tant qu’ingénieur réseau et intègre l’équipe de recherche dédiée composée à ces débuts uniquement de deux personnes : lui et Antoine Barthel. Le duo est très rapidement rejoint par Théo Duhautpas. Alors qu’Alain se concentre sur les tâches techniques, Antoine Barthel et Théo Duhautpas prennent quant à eux la direction du projet et donnent le cap du réseau RESTENA, le réseau national de la recherche et de l’éducation. Alain met ainsi en musique le projet RESTENA et donne vie, sous la direction de ses deux collègues, à l’architecture réseau initiale de RESTENA.
1990-2000, la décennie des premières fois
Alain est de beaucoup de premières fois dans l’histoire du réseau RESTENA. Rapidement, il installe et supervise les premiers équipements. À cette époque, Internet (au Luxembourg) n’existe pas encore, et l’ordinateur menvax (microVAX 3300) installé dans son bureau fonctionne comme serveur (Mail, Gopher, News et passerelle vers d'autres services). Les bénéficiaires de ce tout premier réseau RESTENA se connectent via modem, un appareil devenu emblématique et reconnaissable par le bruit si caractéristique d’une époque désormais révolue.
En 1992, Alain réalise la première connexion Internet internationale au Luxembourg. Il passe une heure au téléphone avec un collègue d’un centre de recherche basé à Amsterdam, dont l’infrastructure permet de relier le Luxembourg au reste du monde. Avant qu’une liaison directe avec le Luxembourg ne soit mise en place entre RESTENA et le réseau européen EuropaNET (ancêtre du réseau GÉANT) dans le cours de l’année 1992, ce raccordement temporaire via les Pays-Bas et le CERN (le centre de recherche suisse où le World Wide Web a été créé en 1989) permet un raccordement Internet vers les États Unis.
La vitesse est très lente, les connexions très chères et il lui est impossible à cet instant de s’imaginer que cela ne soit autre chose qu’un simple raccordement technique. La portée de ses actes techniques va cependant rapidement prendre de l’ampleur.
Après le raccordement via EuropaNet depuis ce qui allait devenir le premier lieu d’accès au Luxembourg, les premiers clients affluent avec d’une part des demandes d'enregistrement de noms de domaine en .lu et d’autre part de raccordement Internet. Alain enregistre puis configure le tout premier nom de domaine en .lu. Il met aussi en page, dans un encodage que l’on qualifierait aujourd’hui de basique, la première page officielle du Grand-Duché du Luxembourg (luxembourg.lu), sorte d’annuaire redirigeant vers les pages Internet d’alors. Les premières connections se réalisent avec l’Institut Supérieur de Technologie et le Centre Universitaire (désormais Université du Luxembourg), les Centres de Recherche, le Ministère de l'Éducation Nationale ainsi qu'avec les premiers lycées !
« Au début, on faisait des choses sans avoir conscience de leur importance. Plus tard, on a vu le rendu, on s’est rendu compte que les gens attendaient des choses qui venaient de nous. »
Le coup d’accélérateur
Alors que tout s’accélère, la petite équipe du projet RESTENA commence à s’agrandir. Le projet prenant de l’ampleur, les besoins de recrutement s’intensifient. La première salve importante de renfort humain intervient autour de l’an 2000, lorsque RESTENA passe du statut de projet à celui de fondation et connecte le réseau national au réseau européen GÉANT. Gilles Massen, l’actuel directeur de la Fondation Restena, rejoint l’aventure à cet instant clef du réseau.
Naturellement, Alain recentre ses activités sur l’infrastructure réseau, le développement des points de présence (Point of Presence – PoP) sur le territoire luxembourgeois et la connexion des institutions. Nombre d’entre elles ont ainsi affaire à lui pour la gestion de leur réseau : certaines équipes techniques depuis la mise en place du réseau RESTENA, d’autres depuis qu’elles ont elles-mêmes mis sur pied leur propre réseau.
Alain co-construit également avec son collègue Marc Stiefer – qui exerce toujours chez Restena aujourd’hui – un Helpdesk pour ces institutions et leurs collaborateurs-rices. La fin du second millénaire, marqué par l’appétit croissant des institutions de recherche et d’éducation pour la technologie, est également confrontée à une méconnaissance technique. Les termes modem, raccordement, dial-up, pour ne citer qu’eux, regorgent de mystère. Il est alors impensable de ne pas apporter un support personnalisé aux enseignant-e-s, notamment. En plus du support téléphonique et la distribution par courrier postal de disquettes comprenant tous les indispensables pour se connecter au réseau, de courtes formations leur sont directement dispensées dans les lycées. Alain fait partie des formateurs Restena.

En parallèle, l’infrastructure technique réseau se modifie, la fibre optique remplace progressivement les anciennes lignes louées, le Centre de Technologie de l’Éducation (CTE), devenu par après le Centre de gestion informatique de l’éducation (CGIE), s'implique dans la gestion des infrastructures techniques de l’ensemble des lycées publics.
« Avec la création de Restena (ndlr, la Fondation Restena), tout s’est développé, structuré, complexifié. On avait certes plus qu’un subset de notre travail original, mais on était content de pouvoir compter sur d’autres personnes, d’avoir le temps d’expliquer aux institutions, de raccorder, de répondre aux besoins, d’aider nos contacts avec leur configuration. »
Rattrapage technique
Pendant deux décennies, Alain endosse le rôle de contact technique (Access-Point-Manager) pour le Luxembourg dans la suite des réseaux paneuropéens de recherche successifs (EuropaNET, TEN-34, TEN-155 et GÉANT). En parallèle, à partir de 1996 il installe et gère les équipements de la première plate-forme luxembourgeoise d’échange de trafic IP pour les fournisseurs de services Internet (LIX) - dont les activités seront transférées à LU-CIX une décennie plus tard. Mais au fil des années et de l’élargissement du réseau RESTENA, puis de la Fondation Restena, Alain recentre ses tâches sur la gestion de l’infrastructure RESTENA et le Helpdesk aux utilisateurs-rices. Il cède sa place aux réunions internationales (APM et EuroIX meetings) auxquelles il participe régulièrement pendant les années 1990/2000. De cette période, Alain garde en tête cette sensation malaisante d’avoir toujours un train de retard par rapport aux autres grands pays connectés en Europe. Les lignes, les vitesses, les technologies sont plus conséquentes chez les voisins européens. La mise à niveau technique complète intervient à la fin des années 2000 avec notamment l’installation progressive de la fibre. Désormais, seul subsiste des décalages en terme de vitesse – atteignant dès à présent au Luxembourg 100Gbit/s et 200Gbit/s dans un avenir proche.
Au niveau national, Alain reste pendant toute sa carrière le point de contact pour le Ministère de la Recherche et de l'Enseignement supérieur (MESR), le Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse (MENJE), via notamment le Centre de gestion informatique de l'éducation (CGIE), et les communes dans le cadre des besoins de raccordements physiques pour les institutions de recherche, de l'enseignement secondaire, post-secondaire et fondamental. Il assure également le contact avec les fournisseurs et opérateurs de lignes et fibres optiques, pour les locations des raccordements nationaux ainsi que leur contrôle budgétaire.

Alain est donc toujours aux premières loges de l’évolution de l’infrastructure technique du réseau RESTENA, que ce soit depuis son bureau à Luxembourg-Kirchberg, ou de celui à Esch-Belval - où Restena a déménagé en 2015. De l’accès modem via son ordinateur individuel en passant par la mise en place du PoP initial du Kirchberg, la structure dorsale du réseau national a bien évolué. Elle atteint en 2021 un total de 12 points de présence primaires répartis dans tout le pays. Bien entendu, Alain n’est plus le seul maître à bord de cette évolution, une équipe dédiée au réseau esquisse les contours du réseau RESTENA.
La Fondation Restena s’est agrandie - jusqu’à atteindre un nouveau rythme de croisière en 2020 lorsque l’effectif se stabilise juste au-dessus des 20 personnes, mais ce n’est pas là la seule évolution qu’Alain constate. Les problématiques de sécurité informatique, inexistantes au début de l’aventure RESTENA, ont pris une place de plus en plus importante dans l’architecture réseau. La crédulité des premiers développements a laissé place à une réalité du terrain assez cruelle. Les attaques sont monnaies courantes, presque quotidiennes, les infrastructures doivent perpétuellement s’adapter, les mesures adéquates être prises.
« Je trouve le développement qui s’est passé pour Internet et le réseau de manière générale à la fois énorme et inquiétant, notamment à cause des problèmes de sécurité. »
La relève
Alors que s’ouvre un nouveau chapitre de sa vie placé sous le signe du jardinage, du bricolage de la photographie et des voyages, Alain passe le relais. Marc Stiefer, toujours aux manettes du Helpdesk, en collaboration avec Pierre-Yves Goubet assurent le ‘service-client’. Jorge Carvalho et Denis Otté reprennent quant à eux son portefeuille de contacts et de compétences dans la gestion technique de l’infrastructure réseau RESTENA.
Après plus de trois décennies passées au chevet du réseau RESTENA, Alain part donc, non sans oublier de disséminer quelques conseils au passage : ne pas perdre de vue le réseau RESTENA dans le développement futur de l'organisation Restena et assurer un équilibre entre la gestion du réseau RESTENA et les engagements pris par Restena auprès de LU-CIX pour la gestion du backbone national d'échange Internet LU-CIX et l’exploitation du centre national de filtrage d’attaques volumétriques DDoS (Distributed Denial of Service).
